Qu’est-ce que c’est que le pouvoir du récit ?
Le récit peut faire plus pour votre stratégie de changement que vous en vous en doutez à première vue. Pourquoi le récit est-il un puissant moyen d’informer et de convaincre vos publics cibles ?
- Nos cerveaux sont construits pour apprendre à partir d’histoires
- Les histoires captent et retiennent notre attention ; les histoires nous aident à comprendre et à nous souvenir des messages
- Les histoires touchent nos émotions et créent une empathie et celle-ci est nécessaire pour engager les publics cibles en faveur de notre action de conservation.
Nos cerveaux sont construits pour tirer des leçons à partir d’histoires
Nos cerveaux sont conçus comme des disques durs pour emmagasiner des histoires et comme système d’organisation des informations et d’aide à notre orientation. Les histoires aident à donner un sens à ce monde si complexe. Les êtres humains sont centrés sur la compréhension et la reconnaissance de schémas. Ils cherchent à comprendre les nouveaux concepts et idées. Les histoires nous donnent ces schémas. Les histoires sont basées sur des causes et des effets. Un évènement entraîne un autre. Nous réfléchissons toute la journée sous formes de descriptions narratives. ‘Si j’entreprends cette action, j’espère obtenir tel résultat.’ C’est un processus inconscient et incontrôlable.
Depuis des temps immémoriaux, les Hommes ont éduqué les jeunes générations à travers les histoires. Dans la plus grande partie de notre existence, toutes les connaissances et les valeurs ont été transmises de génération en génération à travers des histoires orales tout simplement.
Les histoires captent et retiennent notre attention ; elles nous aident à comprendre et à nous souvenir
Nous vivons dans un flot continu d’informations. Comment pouvez-vous attirer l’attention de votre public cible et l’amener à vous écouter s’il est bombardé de messages au quotidien ?
Les bonnes histoires aident les gens à se souvenir, pas seulement pendant cinq minutes mais – si l’histoire est suffisamment forte –pendant toute leur vie. De combien d’histoires vous souvenez-vous depuis votre enfance?
Les histoires apportent des faits à la vie et leur insuffle la passion. Vous entendez une bonne histoire avec votre tête et votre cœur. Vous devenez un participant actif et non un auditeur passif.
Si une histoire est bien racontée, vous la vivez comme si vous y étiez. Vous ressentez ce que le conteur ressent. Vous voyez et vous entendez ce que le conteur voit et entend. Vous mémorisez les messages de l’histoire parce que vous voyez les images, entendez les sons et ressentez les émotions. L’histoire retient votre attention à tous les niveaux, de sorte que quand le conteur révèle enfin le message central, celui-ci s’incruste dans votre cerveau.
Ainsi, les histoires nous aident à nous souvenir en activant plusieurs parties de notre cerveau plutôt que les seules parties utilisées pour traiter les informations factuelles. Selon Annette Simons dans son livre “The Story Factor” : “Nous négligeons les critères les plus importants que la plupart des gens utilisent pour choisir de nous écouter ou pas. Nous passons beaucoup de temps à nous adresser aux cerveaux rationnels des gens et nous négligeons leurs cerveaux émotionnels”.
Exemple d’une expérience prouvant que l’on se souvient beaucoup plus des histoires
Le livre ‘Stories that Move Mountains’ (Histoires qui déplacent des montagnes) donne une démonstration fascinante du pouvoir du récit : ‘Chip et Dan Heath s’occupaient d’un cours annuel à l’Université de Stanford en Californie. Les étudiants devaient prononcer un discours persuasif d’une minute devant leurs pairs. Ces étudiants avaient reçu les mêmes données. La moitié d’entre eux devaient argumenter un point de vue et l’autre moitié le contraire.Comme vous pouvez l’imaginer avec les étudiants de Stanford, il s’agissait là de communications de bonne qualité généralement qui apportaient de manière évidente des données et des arguments. Après les exposés, l’auditoire a été distrait pendant quelques minutes par une vidéo comique et puis on leur a demandé de rédiger les points clés de chaque intervention qu’ils venaient d’écouter, en faisant appel à leurs mémoires parce qu’ils n’avaient pas pris de notes.
Les étudiants étaient surpris de voir qu’ils se souvenaient de très peu de choses. Ce n’est pas qu’ils avaient beaucoup de choses à se rappeler. Seulement huit exposés d’une minute chacun. Il s’agit ici de personnes très instruites, qui ont écouté des communications faites par certains des étudiants les plus brillants de la terre. Même si un seul sur dix étudiants utiliserait la communication pour raconter une histoire, susciter de l’émotion ou se concentrer réellement sur un message clé, les preuves montrent que soixante-trois pour cent du public peut se souvenir de faits à partir de communications faites sous forme de récits contre seulement cinq pour cent à partir du reste. Cela constituait l’un des points critiques à mon avis. Il prouve clairement que l’utilisation des histories peut coller vos idées dans les esprits de votre public’.
Source : Martin Sykes. A. Nicklas Malik et Mark D. West, Stories that Move Mountains, Storytelling and Visual Design for Persuasive Presentations, 2013
Histoires qui touchent nos émotions et nous engage
Pourquoi avons-nous besoin de toucher les émotions de nos publics cibles pour les amener à adhérer à notre action de conservation? S’ils connaissent et comprennent déjà les faits, n’est-ce pas suffisant? Non, pas du tout! Lisez le texte ci-dessous et vous allez savoir pourquoi.
Informations factuelles contre une histoire qui nous touche
Pour vous faire comprendre pourquoi nous réagissons aux histoires captivantes sur des individus plutôt qu’à des informations factuelles sur un gros problème, nous allons vous raconteur une expérience scientifique expliquée par Dan Ariely dans son livre intitulé ‘The upside of irrationality’.
Expérience : Informations factuelles par rapport aux informations émotionnelles
Les participants à l’expérience ont reçu des informations sur la faim en Afrique et ont été sollicités pour faire des dons.
Un groupe a reçu des informations factuelles et statistiques sur la cause du problème et le nombre de personnes affamées: ‘les pénuries alimentaires au Malawi affectent plus de 3 millions d’enfants. En Zambie, les déficits pluviométriques ont causé une baisse de 42% de la production de maïs depuis 2000. Par conséquent, environ 3 millions de Zambiens sont confrontés à la faim. 4 millions d’Angolais –un tiers de la population- ont été obligés de fuir leurs maisons. Plus de 11 millions de personnes en Ethiopie ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence.’
Un second groupe a reçu des informations sur Rokia, une fille de sept ans désespérément pauvre du Mali qui faisait face à la famine. Les participants ont regardé sa photo et lu la déclaration suivante: ‘Sa vie va changer pour le mieux si vous lui faites un don financier. Avec votre appui et l’appui d’autres parrains attentionnés, “Save the Children” va travailler avec la famille de Rokia et d’autres membres de la communauté pour aider à la nourrir, lui donner une éducation et des soins de santé primaires ainsi qu’une éducation à l’hygiène’.
Devinez quel groupe a donné plus ?
Le groupe auquel la victime identifiable Rokia a été présentée, a donné deux fois plus que le groupe qui a reçu des informations statistiques ! Ces résultats sont déjà désolants mais c’est encore pire que cela. Il y avait aussi un groupe de participants qui ont lu aussi bien les informations factuelles que celles concernant Rokia.
Quels ont été les résultats selon vous ? La volonté de soutenir a-t-elle augmenté avec l’ajout de l’information émotionnelle ?
A peine, malheureusement. Apparemment, il est difficile pour les êtres humains de réfléchir rationnellement et de ressentir des émotions en même temps.
Conclusion
Si on les met ensemble, ces résultats racontent une triste histoire. Quand nous nous soucions d’un seul animal, nous entreprenons une action ; mais quand une espèce toute entière est en danger, nous ne faisons rien. Nous n’intervenons pas pour aider quand nous devrions le faire, parfois nous aidons quand c’est irrationnel comme le montre l’histoire réelle du pingouin Happy Feet. Et un calcul froid n’augmente pas notre préoccupation par rapport aux grands problèmes. Au contraire, il réprime notre compassion. Il bloque notre action et entrave le changement de comportement.
Source : Dan Ariely, On Empathy and Emotion: Why We Respond to One Person who Needs Help but Not to Many, The Upside of Irrationality, 2010